LES BUNKERS

Apologie de l’échec : un puissant propulseur à succès

Lorsqu’on entreprend un projet, peu importe qu’il s’agisse d’un objectif personnel ou commercial, le but est évidemment de réussir. Pourtant, il est très rare que tout se passe exactement comme prévu. Non seulement il faut constamment s’adapter aux changements et aux épreuves qui se dressent sur notre chemin, mais, souvent, on frappe un mur et l’objectif visé devient impossible à atteindre. C’est un échec.

Interdit d’échouer

Dans notre société occidentale, l’échec ne fait pas partie des options dans la vie. Dès le plus jeune âge, on nous apprend à s’interdire d’échouer. Ne pas réussir ses examens scolaires peut être frappé de conséquences terribles. Ne pas développer une carrière florissante, ne pas avoir une belle vie de famille, c’est avoir raté sa vie. Dans la mouvance Nouvel Âge, l’échec est attribué à une spiritualité déficiente. Toute la société est ainsi guidée par la tyrannie du succès. La réussite et l’échec sont devenus des marqueurs sociaux qui déterminent la crédibilité de chacun.

Mais arrêtons cette hypocrisie un instant : tout le monde, sans exception, a vécu des échecs dans sa vie. Il est vrai que l’attitude et les décisions de certains ont provoqué leurs échecs. Mais il est vrai aussi que certains ont dû les accepter sans en être le moindrement responsables. Et on peut dire exactement la même chose du succès!

Parlons de l’échec

Il est évidemment pertinent pour un entrepreneur d’avoir une conversation sérieuse et honnête à propos de l’échec. Le problème, c’est qu’il y a un malaise, voir même un tabou, à parler de ses échecs, surtout dans le milieu entrepreneurial.

En 2015, le journal Les Affaires a voulu écrire un article sur le sujet, et a demandé à plusieurs entrepreneurs de venir parler de leurs échecs. Pratiquement personne n’a répondu à l’appel.

Pourtant, l’échec n’est pas une maladie contagieuse; on peut en parler sans se faire mal et sans crainte de contaminer notre entourage. En fait, lorsqu’on parle avec tous ceux qui ont réussi, on réalise que tout succès repose d’abord sur au moins un échec.

Lors d’une conférence à Montréal, Biz Stone, cofondateur du réseau social Twitter, s’est exprimé ainsi : «Pour connaître un succès spectaculaire, il faut avoir connu un échec spectaculaire».

Les échecs des entrepreneurs font partie de leur histoire à succès. En fait, ce qui permet à l’entrepreneur de réussir, c’est avant tout sa capacité de transformer toute épreuve et tout échec en tremplin vers le succès.

Nicolas Duvernois, créateur de Pur Vodka explique : «Il n'y a pas de réussite sans échec.» Il donne l’exemple de sa petite fille qui apprend à marcher : «Quand elle tombe, elle ne s'apitoie pas sur son sort, et on ne la regarde pas en se disant qu'elle ne marchera jamais. Elle se relève et elle continue, encore et encore jusqu'au jour où elle marchera.»

Soichiro Honda, célèbre pour ses voitures du même nom, abonde dans le même sens : «Beaucoup rêvent de succès. À mon sens, le succès ne peut être atteint qu'après une succession d'échecs et d'introspections. En fait, le succès représente 1% de votre travail qui comporte lui, 99% de ce qu'on peut appeler échec.»

Cet enseignement est facile à comprendre lorsqu’on l’applique au sport : combien de coups de pied ratés sur le ballon un athlète doit-il donner avant de développer l’habileté nécessaire pour être un champion? Laissons Michael Jordan nous en parler : «J'ai raté plus de 9000 tirs dans ma carrière. J'ai perdu près de 300 matchs. 26 fois, on m'a fait confiance pour prendre le tir de la victoire et j'ai raté. J'ai échoué encore et encore et encore dans ma vie. Et c'est pourquoi je réussis.»

L’idée n’est pas de glorifier l’échec, mais d’arriver à comprendre son potentiel puissant de nous pousser vers la progression et le succès.

Cette capacité à grimper sur les échecs comme sur les marches de l’escalier du succès, c’est là une marque caractéristique de ceux qui réussissent.

L’échec et la persévérance

Rappelons-nous du célèbre épisode où Thomas Edison, qui voulait améliorer l’ampoule électrique, a testé avec acharnement des milliers de combinaisons de matériaux. Il affirma plus tard : «Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnent pas.» Il dit encore : «Mes erreurs aujourd’hui seront mes brevets demain.” C’est le même type qui, plus jeune, s’était fait dire par ses professeurs qu’il était «un hyperactif trop bête pour apprendre quoi que ce soit».

Mais se développer à travers l’échec demande une qualité fondamentale : la persévérance. Ça veut dire ne pas abandonner à la première épreuve, ne pas s'apitoyer sur son sort et ne pas jeter systématiquement sur les autres la responsabilité de nos insuccès.

Pensons notamment à Walt Disney, licencié par son éditeur dans un journal parce qu’«il manquait d’imagination et n’avait pas de bonnes idées».

À Steven Spielberg, refusé trois fois à l’école de théâtre et de cinéma.

À Oprah Winfrey, congédiée de son premier emploi comme co-présentatrice, en se faisant dire qu’elle était «inapte pour la télévision». À 32 ans, elle était millionnaire.

Ou encore à JK Rowling, dont le manuscrit de Harry Potter a été refusé 12 fois par les éditeurs avant d’être finalement publié.

Tous ces gens, et tant d’autres, auraient pu abandonner sous le prétexte que «les autres ont empêché leur génie de s’exprimer». C’est grâce à leur aptitude de s’attribuer à eux-mêmes la responsabilité de leurs ambitions qu’ils ont pu surmonter les échecs et ainsi atteindre leurs objectifs.

L’échec et l’expérience

L’échec nous permet également d’apprendre quelque chose qu’il est impossible d’acquérir à l’école ou dans des livres : l’expérience. Certaines choses ne s’apprennent que par essais et erreurs. Comme le dit l’adage populaire : «Si jeunesse savait... si vieillesse pouvait». L’erreur semble donc un passage obligé pour atteindre certains niveaux de succès.

«Les échecs servent à tester des idées. Il n’y a pas de créativité sans échec.» Dr Jill Ammon-Wexler

On réalise alors que cette persévérance face à l’échec ne doit pas être aveugle. À partir du moment où l’on accepte que certaines choses peuvent ne pas fonctionner, et que c’est correct ainsi, on accepte du même coup qu’abandonner est parfois nécessaire.

On dit que «le comble de la bêtise, c’est de faire deux fois la même erreur en pensant avoir un résultat différent.» C’est pourquoi Henry Ford disait : «L'échec est simplement une opportunité de recommencer plus intelligemment.» Combien de fois a-t-on pu voir des projets à succès nés de l’abandon d’un autre?

L’échec et le sens de l’initiative

S’il suffisait de lancer un projet pour être riche, tout le monde le ferait. La difficulté de l’entreprenariat réside notamment dans la succession d’échecs nécessaires avant de se rendre au succès. Si parfois il faut persévérer face aux échecs à l’intérieur d’un même projet, d’autres fois il faut savoir abandonner plusieurs projets de suite avant de trouver le bon, celui qui rejoint réellement les besoins de notre clientèle cible, celle devant qui nous arrivons à nous positionner comme expert.

Dans tous les cas, cela dévoile une autre des qualités essentielles d’un entrepreneur : son sens de l’initiative.

“100 % des choses qu’on ne tente pas échouent.” Wayne Gretzky

“C'est dur d'échouer, mais c'est pire de n'avoir jamais essayé de réussir.“ Theodore Roosevelt

L’échec et la résilience

En 2009, Cassandra Phillipps, une organisatrice d’événement, elle-même entrepreneure ayant connu des difficultés, réalise que bien que les histoires à succès soient inspirantes, elles sont en réalité impossibles à dupliquer dans la majorité des cas. Si on veut tirer quelques leçons utiles, c’est dans l’étude des échecs qu’on trouvera notre compte.

Cassandra fonde alors le FailCon, une série de conférences internationales où des entrepreneurs viennent parler de leurs échecs. Ce fut rapidement un immense succès!

En 2011, un technicien chez Microsoft, Frederic Harper, fonde le FailCamp, une autre série de conférences présentant aussi les échecs des entrepreneurs. Dans son cas aussi, ce fut un retentissant succès.

Toujours dans la même optique, l’université Stanford a créé sur son campus le “Resilience Project”. La résilience! Voilà une autre qualité essentielle d’un entrepreneur. Pour encourager ses étudiants à persévérer, l’université organise annuellement l’événement "Stanford, I Screwed Up!", dont la mission est de commémorer et célébrer les «échecs épiques» dans nos vies.

Ces conférences illustrent également une autre marque typique des entrepreneurs : s’entourer de gens qui ont la même ferveur qu’eux. Ceux qui ont réussi sont généralement ceux qui n’ont pas été atteints par le “syndrome du beau-frère”. Vous savez, celui qui vous dit : «Mon chum a voulu partir sa boutique en ligne, ça n’a pas fonctionné. Ne te lance pas là-dedans, tu vas gaspiller ton argent.» Ou encore : «Mon voisin est propriétaire d’un immeuble et il y a un locataire qui ne paye pas son logement. Le business, c’est juste des problèmes, ne touche pas à ça».

L’entrepreneur prendra note de ces commentaires, puis ira voir ceux qui ont réussi dans ces domaines et leur demandera comment ils ont fait pour passer à travers ce genre d’épreuves. Et c’est alors qu’il apprendra progressivement comment voir des opportunités à travers tout ce que la vie place devant lui.

La recette du succès

Est-ce que la succession d’échecs est gage de réussite? Hé non! Ça serait trop facile; il suffirait de compter les échecs comme un décompte avant le succès. Certains l’ont eu «tout cuit dans le bec», qu’on pense à des popularités instantanées, ou encore aux enfants de millionnaires. D’autres sont partis avec rien et ont tranquillement développé leur empire. D’autres finalement ont travaillé sans relâche toute leur vie, sans jamais atteindre les objectifs visés.

Pour justifier la tyrannie du succès, notre société moderne cherche à diviser le peuple en deux parties : les paresseux, qui restent pauvres, et les travailleurs, qui finiront par récolter le fruit de leur travail acharné. Ainsi, on n’aura qu’à dire hypocritement à celui qui se plaint de ne pas avoir atteint le succès : «t’as juste à travailler plus».

S’il est vrai que la paresse ne permet pas de gagner quelque chose, il est faux d’affirmer que ceux qui ont eu du succès ont toujours travaillé plus que les autres. Il n’y a pas d’équation systématique. Il y a de nombreux facteurs qui contribuent au succès sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir, qu’il s’agisse des concordances de temps, de lieu, les mouvements sociaux, nos qualités personnelles, les bonnes rencontres au bon moment, nos expériences individuelles, notre éducation, etc. Tout comme une malchance, un accident, une maladie, un drame quelconque ou une fraude peut tuer le projet le plus prometteur chez l’entrepreneur le plus motivé, de la même manière le hasard peut favoriser un grand succès.

Céline Dion aurait-elle la carrière qu’elle connaît si elle n’avait pas rencontré “par hasard” René Angelil, ou si elle était née à une autre époque? Il faut donc rester très humble en toute circonstance, et ne jamais oublier que tant qu’on ne pourra pas prévoir les échecs, on ne pourra prévoir non plus les succès. Il faut toujours garder à l’esprit qu’un succès est toujours éphémère, car le prochain échec à surmonter nous attend au coin de rue suivant.

La seule chose qu’on puisse affirmer avec certitude, c’est que tous subiront des échecs un jour ou l’autre, et que celui qui trouvera comment apprendre à travers ces épreuves, en conservant un bon sens de l’initiative, tout en sachant abandonner lorsque c’est le temps et persévérer lorsqu’il est adéquat de le faire, celui-là détient la recette du succès.

L’échec dans un plan de vie

Un succès pour quelqu'un peut être un échec pour un autre. Un succès dans une sphère de la vie peut signifier un échec dans une autre sphère. Combien d’entrepreneurs à succès par exemple regrettent d’avoir passé autant de temps aux affaires et pas assez avec leur famille?

Sans entrer dans des considérations philosophiques, le but de la vie ne doit pas être basé sur l’échec ou la réussite. On fait ce qu’on a à faire, et on le fait bien. Point. Les résultats ne nous appartiennent pas.

Combien de gens n'ont connus le succès qu'après leur mort. On peut penser au célèbre peintre Vincent Van Gogh, resté pauvre toute sa vie, alors que ces peintures valent aujourd'hui des centaines de millions de dollars. En tout temps, on doit travailler de manière à être satisfait de l’effort qu’on a mis et rester le plus détaché possible du résultat.

On dit que l’argent ne fait pas le bonheur. Le succès non plus. Le bonheur dépend en partie de l’acceptation du moment présent et de l’abandon des choses que nous ne pouvons pas contrôler.

Le vrai succès sera celui de la personne qui, en bout de ligne, aura su rester satisfaite et heureuse tout en s’épanouissant dans ses projets; car derrière cette quête de succès se cache avant tout une quête de développement et de bonheur personnel. Et ça, on peut l’atteindre… même dans l’échec!

Bon succès à tous!

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